Dans le prolongement de l'exposition Hans Richter. La traversée du siècle sont présentés six portraits de villes réalisés par des cinéastes majeurs de la scène artistique et expérimentale. De l’Europe des années 1920 aux États-Unis de l’après-guerre, ils restituent l’univers urbain moderne dans lequel Hans Richter a vécu et qu’il a largement contribué, à travers ses films, à représenter.
Au commencement d’un scénario pour un film qui ne verra jamais le jour, Dynamique de la grande ville, rédigé entre 1921 et 1922, László Moholy-Nagy écrit : « Ici, les éléments de la vision ne se combinent pas nécessairement selon une articulation logique. Au contraire, dans leurs relations photographiques et visuelles, ils s’intègrent en un tout vivant et cohérent d’événements spatio-temporels et insèrent de façon active le spectateur dans la dynamique de la cité. ».
Les City Symphonies, ces portraits de villes qui se multiplient en Europe et aux États-Unis à partir des années 1920, transforment le spectateur de cinéma en un promeneur immobile. Ces films de genre obéissent à la même structure que le tissu urbain - cadrages en diagonale, déplacements de point de vue, multiplication des plongées et des contre-plongées -, composant une expérience physique inédite de l’espace.
La naissance de la ville moderne coïncide ainsi avec une nouvelle expérience des images de cinéma. Les artistes-cinéastes soulignent d’ailleurs dans leurs images l’analogie entre ces deux univers : les rails du métro et des tramways et le réseau électrique qui quadrille le ciel, symboles de l’urbanisme moderne, réfléchissent comme dans un miroir les deux propriétés fondamentales du film que sont le défilement et la projection.
Commissaire :
Philippe-Alain Michaud, Conservateur au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, chef du service du cinéma expérimental
Film cinématographique 35 mm noir et blanc, muet, 12’39’’
Auteur de La marche des machines, essai formaliste d’une grande radicalité sur les mouvements mécaniques, Eugène Deslaw, cinéaste expérimental d’origine ukrainienne, réalise en 1927 un nouveau ciné-poème sur les lumières de la ville. Ce thème apparaît fréquemment dans la cinématographie et la photographie de la fin des années 1920. Sur un fond de ciel nocturne, Deslaw fixe sur la pellicule les lumières de Paris, Prague, Londres et Berlin. Il filme les enseignes lumineuses des grands boulevards, les vitrines éclairées et joue avec les lumières, les fait clignoter, les inverse, les superpose avant d’enregistrer un grand feu d’artifice. Ces lumières dansantes, incarnant la ville des fêtes et des loisirs, semblent flotter dans un espace sans limites. À propos de Nuits électriques, Deslaw écrit en 1928 : « Le “film à acteurs” ne me tente absolument pas. J’estime que la nuit moderne, peuplée de lumières étranges et chantantes, la nuit moderne qui ne ressemble vraiment à aucune autre nuit de l’histoire, est photogénique autant, plus encore que le visage d’une belle femme ».
Peter Hutton, New York Portrait : Part I, 1978-1979Film cinématographique 16 mm, noir et blanc, silencieux, 15’23’’ Mikhail Kaufman, Moscou [Moscou], 1927Film 35 mm noir et blanc, muet, 60’ László Moholy-Nagy, Berliner Stilleben [Nature morte berlinoise], vers 1926-1932Film cinématographique 35 mm noir et blanc, silencieux, 10’17’’ | Walter Ruttmann, Berlin. Die Sinfonie der Großstadt [Berlin, symphonie d’une grande ville], 1927Film cinématographique 35 mm noir et blanc, silencieux, 77’15’’ Paul Strand et Charles Sheeler, Manhatta, 1921Film cinématographique 16 mm noir et blanc, silencieux, 9’48’’ |