L’exposition L'Art d'apprendre. Une école des créateurs aborde la question de la pédagogie depuis l’école d’art, pour ensuite basculer dans le grand bain des apprentissages que chacun.e mène tout au long de sa vie. Dans un premier temps, il s’agit donc d’observer comment les artistes apprennent à faire de l’art, et comment cet apprentissage, qu’il soit accompagné ou autodidacte, devient parfois une forme d’art à part entière, ainsi qu’une amorce de réflexion sur l’éducation en général. Point de départ de l’exposition, la génération de Mai 68, nourrie par les lectures de Célestin Freinet, d’Alexander Sutherland Neill (Libres enfants de Summerhill, 1960), d’Ivan Illich (Une société sans école, 1970) ou de Paulo Freire (Pédagogie des opprimés, 1970), pense la formation d’abord en termes de libération et de déconditionnement.
Dans son livre collaboratif Enseigner et apprendre. Arts vivants, élaboré entre 1967 et 1970, l’artiste Fluxus Robert Filliou affirme qu’enseigner et apprendre sont des formes de performance artistique à part entière. Depuis le champ de l’art, s’élaborent ainsi des pédagogies antiacadémiques placées sous le signe de la créativité : performatives et participatives, elles se risquent à « apprendre en faisant » ; indisciplinées, elles cultivent, contre les hiérarchies, le jeu et l’interdisciplinarité ; coopératives, elles mobilisent des pratiques relationnelles et « transformationnelles » ; nomades et critiques, elles pratiquent un art de recherche et de l’enquête ouvert au hasard et à l’improvisation.
Si, après la Seconde Guerre mondiale, l’éducation découvre l’enseignement de masse, l’expansion de nouvelles technologies et la globalisation d’une société post-industrielle, elle garde en mémoire les principes pacifistes, anarchistes et holistiques formulés au début du XXe siècle. De ces fertiles années 1960-70 émergent des mutations cognitives, linguistiques, médiatiques et écologiques, qu’intensifient les transitions actuelles. Le « tournant éducatif » de l’art décrit dans les années 2010, aide à récapituler ces influences réciproques, liant les pédagogies alternatives, radicales et libertaires aux pratiques artistiques et culturelles contemporaines.
Des happenings Fluxus aux expériences de conscientisation féministes, des hypergraphies lettristes aux navigations hyperliens, de la radiotélévision scolaire à l’université vidéo rêvée par Nam June Paik, de l’enseignement mutuel aux auto-constructions de l’anti-design italien, des jardins d’enfants aux ateliers de permaculture, L’Art d’apprendre parcourt de multiples modèles d’apprentissage, parfois activés au sein d’installations praticables, et offre aux visiteurs un espace de plus de 120m2 aménagé par le studio de design smarin, pour accueillir divers groupes d’usagers, formations expérimentales, scolaires et extrascolaires.
Commissariat :
Hélène Meisel, chargée de recherche / commissaire au Centre Pompidou-Metz.
À l’occasion de l’exposition « L’Art d’apprendre. Une école des créateurs », le Centre Pompidou-Metz invite le studio de design smarin, fondé par Stéphanie Marin en 2003, à concevoir une classe expérimentale, baptisée Écoletopie, espace de transmission ouvert à tous les âges, environnement total à venir habiter et transformer collectivement. Les objets de smarin s’offrent comme des structures à moduler, invitant l’usager à construire et à déconstruire, à danser et à respirer, à dormir et à jouer. Leurs formes ludiques recèlent des implications thérapeutiques et politiques. Pour nos esprits : le droit à la paresse, à l’improductivité et à la pause. Pour nos corps : la reconquête d’une tonicité et d’une mobilité perdues.
« Nos recherches s’inscrivent dans la quête de soin et de santé. Nos objets visent le développement de la conscience somatique, la capacité à ressentir et donner du sens à ce qui se passe dans l’organisme. Nous avons développé la sChaise, qui possède une assise élastique. Le rebond, c’est l’action d’utiliser, pour repartir, la force qui nous a d’abord fait reculer. De nombreuses études scientifiques montrent que le rebond est très intéressant pour la dynamique de la circulation sanguine et lymphatique, pour favoriser les capacités d’élimination. Et au-delà, la liberté d’assise conduit à prendre conscience de sa posture naturelle et de son schéma corporel. »
« La Vie géométrique et Play YET!, en tant que systèmes simples, modulables et libres, permettent d’expérimenter la gestion par le groupe de la ressource, des possibles et, le cas échéant, de la création collective. Les possibilités de constructions fonctionnelles sont presque infinies : étagères, rangement, bureau, méridienne, canapé, linéaire mural, cloison, enfilade, cabane… Les assemblages sans clous ni vis, de blocs de matières pures sont à la fois très solides et parfaitement démontables. »
« Nous avons intégré dans la classe une série de coffrets de jeux sans règles et sans paroles, à la disposition des élèves. J’ai choisi d’expérimenter quelques matières pour les concevoir : le coton pressé ; le liège expansé, que l’on a recouvert d’une peau de latex. Les couleurs sont portées par des gouaches et une finition organique ; d’autres formes sont en chutes de bois récupérées. Je voulais que l’on puisse jouer dans un contexte de qualité qui permette de développer une esthétique, de sentir le rayonnement d’une belle matière, de toucher de belles couleurs, de percevoir cette différence que l’on refuse souvent aux enfants. »
« Avec ce petit studio de production audiovisuelle, on est derrière l’écran ou devant, enfin, de l’autre côté. Dans la classe transplantée, ce sont des outils d’écriture et de lien. La communication par l’image dépasse aujourd’hui l’écrit, il n’y aura pas de retour en arrière. Et si nous préparions l’individu de demain à comprendre et à utiliser pleinement les langages de son époque plutôt qu’à l’en « protéger » ? En faisant partie du projet, les écrans donnent aux élèves le pouvoir de mettre en forme leur expérimentation dans un format qui permet la retransmission aux visiteurs. »
Roy ASCOTT Michel AUBRY John BALDESSARI Yto BARRADA Joseph BEUYS Minia BIABIANY Mel BOCHNER Jean-Louis BOISSIER George BRECHT Bazon BROCK, Friedensreich HUNDERTWASSER, avec les étudiants et les étudiantes de l’École Supérieure d’Art de Lorraine (ÉSAL Metz) Jean-Marc BRODHAG Marcel BROODTHAERS Lygia CLARK Riccardo DALISI Jonathas DE ANDRADE Richard DEMARCO Johanna DEMETRAKAS Eric DUYCKAERTS Vincent EPPLAY Harun FAROCKI et Hartmut BITOMSKY Robert FILLIOU Fred FOREST Florian FOUCHÉ Yona FRIEDMAN Gérard FROMANGER Aurélien FROMENT Simone GARENC Jef GEYS Roger GOMEZ Dominique GONZALEZ-FOERSTER, Pierre HUYGHE et Philippe PARRENO Camille HENROT
| Pierre JOSEPH Allan KAPROW Sister Corita KENT Isidore ISOU Asger JORN Eva KOT'ÁTKOVÁ Mierle LADERMAN UKELES John LATHAM Maurice LEMAÎTRE Sheila LEVRANT DE BRETTEVILLE Camille LLOBET Léa LUBLIN Marie-Georges MÉLIÈS Otobong NKANGA Dennis OPPENHEIM Nam June PAIK Dan PETERMAN Olivia PLENDER Marie PRESTON Julien PRÉVIEUX Georges REBILLARD Zineb SEDIRA smarin Harry SHUNK Doris STAUFFER SUPERSTUDIO Liliane TERRIER Germaine TORTEL Agnès VARDA Robert WHITMAN pour Experiments in Art and Technology (E.A.T.) Stephen WILLATS Nayel ZEAITER |
Maniable, légère et nourrie, la publication qui accompagne l’exposition L’Art d’apprendre. Une école des créateurs est pensée comme un manuel foisonnant, permettant tout à la fois d’accéder facilement aux oeuvres exposées par le biais de notices courtes et de portraits d’artistes plus approfondis, que de se plonger dans trois essais inédits apportant des réflexions et des recherches de fonds (par Yves Citton, Anna Colin et Déborah Laks). Une douzaine d’auteurs et d’autrices, de divers profils, ont contribué à l’ouvrage : historiens et historiennes, enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices, critiques, commissaires, et même étudiantes, apportent leurs voix et leur regard à cet intérêt commun pour la pédagogie, qui anime de nombreuses recherches actuelles. Une vingtaine de textes d’artistes exposés ont également été collectés, et parfois traduits, rappelant leurs positions souvent manifestes, parfois visionnaires. Le studio officeabc (Catherine Guiral et Brice Domingues), accompagné de Thomas Bouville, s’est occupé de la conception graphique de cette publication. Animés par une volonté et un souci de clarté et de déambulation, ils ont créé un objet à taille humaine, à l’architecture sensible, léger pour la main et confortable pour l’oeil. Ils ont également désiré un objet sensoriel, incluant une variété de sensations tactiles, et une multiplicité d’images. De très nombreuses illustrations accompagnent l’ouvrage – vues d’oeuvres, photogrammes de films, mais aussi archives d’écoles ou d'ateliers – permettant de se plonger dans la diversité des pratiques présentées dans l’exposition, et témoignant de situations de transmission à l’école, à l’université, dans l’atelier, dans la rue ou en pleine nature.
L’Art d’apprendre
Éditions du Centre Pompidou-Metz
Sous la direction d’Hélène Meisel
Conception graphique :
studio officeabc accompagné de Thomas Bouville
Dimensions : 25 x 18 cm
Nombre de pages : ± 250 pages
Parution : Janvier 2022
Prix : 30,00 €